Peut-on tenir pour acquis qu’il s’agisse d’un renouvellement automatique?
Vous détenez  un statut  et des  privilèges dans  un centre  hospitalier et la période du renouvellement  de votre nomination approche. Comme  membre  du  Conseil des médecins, dentistes  et pharmaciens (« CMDP »), vous recevez,  comme d’habitude  en  prévision du  renouvellement  de votre nomination,  le formulaire de  renouvellement.
De façon  générale, ce  formulaire  vous est  transmis  par  le président  du comité d’examen des titres de votre centre hospitalier. Une fois signée, votre demande de renouvellement  est  soumise  à  votre chef  de  département pour approbation, au comité d’examen  des  titres, au comité exécutif du CMDP et, finalement,  au conseil d’administration du centre  hospitalier où vous  exercez  vos privilèges. Cela peut vous sembler être de la routine, mais méfiez-vous, car c’est loin d’être le cas.
Un médecin  peut-il tenir pour acquis que le centre  hospitalier où il exerce ses activités professionnelles  procède  automatiquement au renouvellement de sa nomination et cela, sans  se poser trop de questions? Selon moi, la réponse  est non. Un centre  hospitalier possède le pouvoir de ne pas  renouveler  votre statut  et vos privilèges pour un ou plusieurs motifs prévus par la loi. En revanche, cela ne veut pas dire que le centre hospitalier peut faire ce que bon lui semble et qu’il possède un pouvoir discrétionnaire  absolu à ce sujet.
L’ENCADREMENT LÉGISLATIF
Le renouvellement  du  statut  et des  privilèges d’un médecin  est régi par les dispositions  de  la  Loi sur  les  services  de santé  et les services  sociaux (LSSSS). Il faut noter  que  cette  loi fait d’abord  une  différence  entre  une  toute  première  demande de nomination formulée par un médecin  et une demande de renouvellement. Cette distinction est importante, car la LSSSS prévoit que le conseil d’administration du centre hospitalier accepte ou refuse tout d’abord la demande initiale de nomination en tenant compte du plan d’organisation de l’établissement,  du nombre de médecins autorisés dans le plan des effectifs médicaux  de l’établissement,  des ressources disponibles, des exigences propres  à l’établissement  et, le cas  échéant, de la vocation suprarégionale  de l’établissement (voir l’article 238 de la LSSSS).
Par  la suite,  le conseil  d’administration peut  également  refuser  la demande initiale de nomination d’un  médecin  en se fondant  sur des  critères de qualification, de compétence scientifique  ou de comportement, eu égard  aux exigences  propres à l’établissement.
Une  fois que  vous avez le pied  dans  la porte, comment vous assurer de conserver votre statut? D’abord, la LSSSS prévoit que les privilèges sont octroyés pour un maximum de trois (3) ans et ils sont renouvelés pour  un  maximum  de  deux  (2) ans.  En pratique,  on voit plutôt une tendance des centres  hospitaliers  d’octroyer et  de  renouveler  des  privilèges à des  médecins pour une période de deux (2) ans.
LES CRITÈRES DU NON-RENOUVELLEMENT DE VOTRE NOMINATION
Examinons maintenant les situations  qui peuvent  donner  lieu au  non-renouvellement  de votre statut  et de vos privilèges au sein du centre  hospitalier. En vertu de l’article 238  de la LSSSS, une  demande de renouvellement  ne peut  être refusée par le conseil d’administration que  pour les  motifs suivants  : la qualification,  la compétence scientifique et le comportement du médecin,  eu égard aux exigences propres à l’établissement, et le respect  des obligations rattachées à la jouissance  des privilèges. Ce dernier critère n’existe évidemment pas concernant une nouvelle demande pour  obtenir  un  statut  et des privilèges, car le centre  hospitalier n’est pas  encore  en mesure  d’évaluer si vous respectez ou non les obligations rattachées à vos privilèges.
Il se peut que, en tant que médecin,  vous soyez une sommité dans votre domaine de spécialisation  et que personne n’ose met- tre en doute vos qualifications et compétences scientifiques.  Or, si vous pensez  que, dans  ces circonstances, il est quasiment impossible que le centre  hospitalier tente un jour de mettre fin à ses obligations contractuelles envers vous en passant par le non-renouvellement de vos privilèges, détrompez-vous, car cela reste possible.
La jurisprudence nous  rappelle  que  le législateur a voulu que le comportement d’un médecin  jugé inacceptable par  le centre  hospitalier,  révélé  la plupart  du temps par  son  dossier disciplinaire, puisse  servir de  base  à un  non-renouvellement de sa nomination, de son statut et de ses privilèges. Certes, il y a pénurie des  médecins et les établissements de santé manquent de ressources, mais malgré tout, mieux vaut prévenir que guérir. De ce fait, il est important de soigner vos relations avec vos confrères de travail, le personnel  et les patients, car votre comportement doit être conforme aux normes acceptables d’un professionnel responsable qui doit œuvrer en toute collégialité au sein du centre  hospitalier. Sachez  que vous avez le droit d’accéder à votre dossier professionnel  tenu par le centre  hospitalier incluant le dossier disciplinaire.   Compte   tenu de ce  qui précède, il est important que ces dossiers soient à jour, complets et libres d’erreurs.
LES DROITS RATTACHÉS À L’EXERCICE DE VOS PRIVILÈGES
Il est fort intéressant  de constater que l’article 242 de LSSSS prévoit que la résolution par laquelle le conseil d’administration accepte une  demande de nomination ou de renouvellement  de nomination  d’un  médecin doit  notamment prévoir « les privilèges et la durée  pour laquelle ils sont accordés, la nature  et le champ des activités médicales et dentaires  que le médecin  ou  le  dentiste pourra exercer dans le centre ». Par ailleurs, ce même  article stipule que « la résolution du conseil d’administration doit de plus indiquer  dans  quel département clinique ou service clinique les privilèges accordés peuvent être exercés ».
La loi ne prévoit pas  de définition de la notion de  privilèges, mais  nous  savons que  l’octroi de ceux-ci crée  des  obligations contractuelles entre vous et le centre hospitalier. Par  contre,  aucune relation d’emploi n’est établie. Considérant que la résolution du conseil d’admininistration doit prévoir dans quel département clinique ou service clinique les privilèges d’un médecin  peuvent  être exercés, on peut se demander quels sont les droits que vous possédez en vertu de cette  disposition  législative. Dans  cette optique,  un centre  hospitalier peut-il, en toute légalité, décider  de modifier votre lieu de pratique pendant la durée  de vos privilèges? Nous avons récemment vu la décision unilatérale du CHUM de fusionner le département de médecine nucléaire avec celui du département de radiologie, décision  fortement  contestée par  les  médecins  spécialisés en médecine nucléaire.  Cette fusion forcée soulève des questions  légales fort intéressantes et ce sujet pourrait faire l’objet d’un autre article.
LE RECOURS  JUDICIAIRE EN  CAS  DE NON- RENOUVELLEMENT DE VOS PRIVILÈGES
Il  est  clair qu’un  centre  hospitalier peut uniquement fonder sa décision de refus du renouvellement  de votre statut  et de vos privilèges sur les critères énoncés à l’article 238 de la LSSSS. Toute décision basée sur d’autres  critères  sera  donc  illégale. Un médecin  qui n’est pas satisfait d’une décision défavorable quant  à l’octroi ou le renouvellement de son statut et de ses privilèges peut,  dans  les 60 jours qui suivent la date à laquelle la décision lui a été notifiée, contester  cette décision devant le Tribunal administratif du Québec.
Comme les décisions seront rendues largement en se fondant sur votre dossier professionnel, il est très important de s’assurer que votre dossier professionnel  soit complet au niveau de vos qualifications, votre compétence et en matière disciplinaire.
Source:http://www.santeinc.com/file/mai11-06.pdf